Vasectomie ? Vous n’y pensez pas !

Printemps 2022

Un homme, la quarantaine, 2 enfants, heureux en couple. Il demande à son médecin des informations sur la vasectomie, il y songe depuis plusieurs années.  

Yeux ronds de la toubib : « Vous pourriez rencontrer quelqu’un de plus jeune dans 10 ans,qui voudrait un enfant » (Micheline, médecin généraliste, la cinquantaine).

De renchérir : « votre compagne, dans 5 ans c’est terminé, alors que vous, vous pouvez avoir des enfants jusque très tard. »

De plus belle : « Si vous vous faites vasectomiser, ça n’empêchera pas votre compagne de tomber enceinte si elle va voir ailleurs ! »

Et ta grand-mère elle aime la choucroute ?

La vasectomie est une décision individuelle, qui revient à la personne directement concernée et à elle seule. Même si la décision est prise dans le cadre d’un projet de couple. On touche à l’intimité la plus profonde, tant physique que psychique, de la personne. 

Changer d’avis cela peut arriver*. On peut aussi être sûr de soi. Tout comme on peut viscéralement désirer un enfant, on peut viscéralement ne pas ou ne plus en vouloir. 

*En l’occurrence le délai légal de réflexion est de 4 mois pour une vasectomie, comme pour une ligature des trompes.

Réflexion incidente sur le devoir de réserve du médecin  

 

Le devoir d’information du médecin est posé à l’article 35 du code de déontologie médicale (codifié à l’article R.4127-35 du code de la santé publique) en ces termes :

“Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose.”

 

Le serment d’Hippocrate énonce quant à lui :

“Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions (…) Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.”

En creux, ces fondements imposent au médecin un devoir déontologique de réserve dans l’expression de ses opinions personnelles, un peu comme le devoir de réserve des fonctionnaires.

Ce devoir est d’autant plus crucial que les médecins incarnent, aux yeux de nombreux patients, des sujets supposés savoir (Lacan, 1964) : des sachants auxquels on prête le savoir sur notre santé et le pouvoir de nous guérir.

Micheline a sans doute été maladroite, même si elle n’en pensait pas moins. N’empêche, les opinions personnelles des médecins, en tant qu’elles émanent de sujets supposés savoir, ne sont pas sans effet sur les patients qui en sont destinataires. 

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