Culpabilité : vous en reprendrez bien une louchée !?

“Je suis indulgent quand il s’agit des autres mais je suis très exigeant avec moi-même” (Anonyme).

La culpabilité

Juridiquement, une personne coupable est une personne qui a commis une infraction et qui en est jugée responsable devant la loi*.

Hors du domaine juridique, est coupable celui qui a transgressé une règle morale ou sociale. Ce peut être un acte, un comportement ou une attitude, qui ne serait pas conforme à un système de valeurs donné.

Lorsque les règles sont clairement établies et partagées, cela ne pose pas de difficulté sur le principe.

Si j’ai conclu un accord moral d’exclusivité sexuelle avec ma régulière, et que j’ai une aventure avec une autre femme, je suis, de fait, coupable. J’ai transgressé une règle morale explicite.

Est-ce que je me sens coupable ? C’est une autre question.

 

Le sentiment de culpabilité 

Le système de valeurs qui régente nos pensées et dirige nos actions, se forge à partir de ce que nous intériorisons de notre éducation, de notre religion, des normes sociales, de nos valeurs familiales, de nos amitiés, que sais-je encore. Hautement subjectif, il est propre à chacun de nous.

Si je me sens coupable et que ma culpabilité est avérée, je suis cohérent avec mon système de valeurs et de pensées. Je l’ai trompée, on s’est jurés fidélité, je suis une ordure.

Si je ne me sens pas coupable malgré mon forfait, alors je suis un sociopathe. Toutes des putes ! Je suis néanmoins une minorité statistique.

A l’inverse, si je me sens coupable pour tout et rien, mais surtout pour rien de concret, je suis un coupable maladif. J’ai regardé une fille au supermarché, je l’ai trouvée mignonne, c’est mal.

Le sentiment de culpabilité est souvent diffus, imprécis. Si on me pose la question de savoir quelle faute j’ai commis, je suis bien incapable de répondre.

En réfléchissant un peu, je constate que ce sentiment est lié à des émotions négatives (peur, colère, tristesse, dégoût).

Peur de ne pas être à la hauteur des attentes des autres, de faire souffrir, de l’échec, de ne pas être présent pour les autres, de se laisser aller.

Colère de me sentir impuissant à agir, de n’avoir pas agi autrement, haine de soi.

Tristesse d’avoir fait souffrir, d’avoir pris une décision qui modifie un équilibre.

Dégoût de soi.

En me penchant encore un peu plus, j’aperçois que ces émotions négatives émergent d’un conflit. Conflit entre ce que j’aimerais réellement faire (mon désir profond) et la conduite que me dicte mon système de valeurs (ce que je crois qu’il est convenu de faire pour être une personne aimable ou du moins raisonnable).

J’aimerais prendre du temps pour me reposer ce weekend mais ma grand-mère veut que je vienne aider le neveu de sa cousine à déménager (ça me saoule).

Mon désir = me reposer

Conduite dictée = aider le neveu de la cousine de ma grand-mère

Valeur = la famille c’est sacré

En résumé : le sentiment de culpabilité naît de la frustration induite par l’impossibilité pour mon désir de s’affirmer face à mon système de valeurs.

 

Juge et partie

Lorsque j’évalue ma propre culpabilité, je suis à la fois juge et partie.

Plus mon système de valeurs est rigide ou sévère, plus mon juge est menaçant si moi, partie, je songe à assouvir mes envies.

Si tu ne vas pas voir ta grand-mère, elle sera triste, elle ne s’en remettra pas, et tu seras un mauvais petit-fils.

A l’inverse, si mon système de valeurs est trop laxiste ou complaisant, je peux ne pas ressentir de culpabilité, faute de conflit entre mes désirs et mes valeurs. Mon juge est au chômage technique, en quelque sorte.

Je ne vois pas où est le problème si les amis qui m’ont invité en vacances font les courses pour moi et cuisinent à tous les repas. On a toujours fait ça pour moi à la maison.

Il est des cas où c’est quand même pas mal de se sentir coupable…

 

Coupable et victime

Qui dit coupable dit-il nécessairement victime ?

S’agissant de la culpabilité, la question reste ouverte.

Si ma régulière n’apprend jamais les faits de tromperie, est-elle une victime ? Si elle l’apprend, peut-être aura-t-elle son mot à dire, et aurons-nous l’occasion d’en discuter…Qui sait ce qu’il adviendra ?

S’agissant du sentiment de culpabilité, le présumé coupable (nécessairement l’auteur de la pensée coupable) ne fait pas d’autre victime que lui-même. Il souffre justement pour ne pas risquer de faire souffrir les autres. Il souffre de ne pas pouvoir dire merde aux injonctions de son juge inquisiteur.

J’ai dévoré une tablette de chocolat après m’être enfilé une tartiflette, je n’ai aucune volonté.

Coupable ! De n’être pas capable de me contrôler, en l’espèce.

Tel Sisyphe poussant chaque jour son rocher en haut de la montagne, le présumé coupable se heurte en boucle au mur de ses valeurs (dont il a souvent oublié de questionner le bien-fondé). Jusqu’à, parfois, s’en rendre malade. Qui dit coupable dit châtiment…

 

 Questionner son cadre

Se défaire de ses mécanismes culpabilisateurs implique de détricoter son système de valeurs, et de se repositionner en tant que partie (sujet désirant) en regard de ce système.

Cette mise à plat sous-tend de questionner la portée émotionnelle du cadre, lourdement chargé d’affects : les valeurs qui y sont inscrites, que la source provienne de nos figures d’attachement (les parents, pour les plus évidents) ou qu’elles soient plus largement partagées, nous ont suffisamment marqué pour que nous les ayons intégrés. Lentement mais sûrement.

La tâche est parfois douloureuse, jamais linéaire. L’objectif étant de prendre conscience que nous ne trahissons rien ni personne (surtout pas nous-même !) en déviant du sillon tracé.

Ce sillon m’appartient, finalement. Je peux donc le modifier. Jusqu’à trouver un équilibre - mon équilibre- entre les valeurs que je choisis de faire miennes, et mes envies profondes, personnelles.

 

Moteur…action !

Le sentiment de culpabilité fige.

J’aurais pu, j’aurais dû, je devrais…

On est responsable dans l’action. Facile à dire…

L’action, c’est le mouvement. Qui permet de se décentrer, empêche de trop réfléchir, contrecarre le sentiment d’impuissance.

Je me sens coupable de vivre dans un pays libre, alors qu’il y a des gens qui périssent chaque jour sous les bombes.

Je peux décider de m’investir dans une association, donner de mon temps, de mon énergie, de mon argent. Ce choix m’appartient, j’en suis responsable.

Prendre sa part, dans la mesure de ses capacités. Admettre ses limites donc, et – attention recette miracle – accepter son imperfection !

 

Allez, je vais manger une petite salade au dîner, moi…et ça ira mieux demain !

 

* Définition du Larousse : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/coupable/19797

 

 

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